Installation

Lieux empruntés

 

Lieux empruntés m’a permis d’aller au-delà de mes voyages et d’explorer des endroits où je ne suis jamais allée. De créer avec des émotions qui ne sont pas les miennes. Attirée par le vécu des autres, je me suis laissée guider par leurs récits. Pour ce faire, j’ai interviewé des gens de mon entourage pour leur demander de me décrire un lieu connu qui suscite en eux une grande émotion : que ce soit un lieu d’enfance fort en souvenirs, positifs ou négatifs, un endroit public ou privé, petit ou grandiose, un instant furtif ou un lieu visité de façon répétitive. Pour ces personnes, ces lieux précis et symboliques représentent là où la joie spontanée, la tristesse ou une peine immense sont survenues. À l’issue de chaque rencontre intime où un lieu étroitement rattaché à une émotion m’a été raconté, guidée par leurs souvenirs touchants, j’ai voyagé à travers leurs histoires pour ensuite traduire en images épurées ce que l’exposé de leur vécu m’a insufflé. Ainsi, je rends permanent un instant de mémoire émotive intimement lié à un lieu. Ces nouvelles œuvres, tels des récits psychologiques, poursuivent ma réflexion autour des notions de mémoire et de lieux, mais parlent également de résilience, de force et de fragilité.

Cache-cache

Lieu emprunté à Gabriel

« Enfant, j’adorais visiter mon grand-père. Souvent, mon frère et moi y passions – ce qui nous semblait être – des heures à jouer à la cachette avec notre papi. Je me rappelle le plaisir  que nous avions. Il aime encore me taquiner en me racontant comment je me croyais caché, quand en réalité j’étais à découvert, avec les yeux bien fermés. À ces moments, il prenait un vilain plaisir à jouer le jeu pour nourrir en moi la croyance de mon invisibilité. »

Audio

La rivière des confidences

Lieu emprunté à Audrey

« Quand j’étais une enfant, je vivais à la campagne et tout près de chez moi, il y avait une rivière où j’allais souvent me réfugier lorsque je me sentais triste, désemparée et incomprise. Je m’assoyais sur une roche sous le pont de bois, je mettais mes pieds à l’eau et je me laissais bercer par le clapotis de l’eau, qui me calmait tranquillement. Ce lieu représente pour moi le réconfort et l’écoute sans jugement. J’y ai tellement pleuré que j’étais persuadée que la rivière coulait à cause de mes larmes abondantes. »

Un aller sans retour

Lieu emprunté à Mathilde

« C’était le 14 août 2015, près de Strasbourg, en France. Émilien, Benoit et moi étions en route vers le crématorium pour dire au revoir à notre amie, ma toute première amie d’enfance,  Pauline.  Sans comprendre pourquoi j’étais là, je nous revois passer du rire aux larmes, en n’osant pas trop se regarder, bien qu’on croisait nos regards dans le rétroviseur. Et pour  esquiver le sujet, et éviter de devoir parler, on a mis la musique à fond dans la voiture. Ce n’est qu’une fois rendue au crématorium que j’ai réalisé qu’elle ne reviendrait jamais, quand je me suis approchée du cercueil et que j’ai vu la plaque sur laquelle son prénom était inscrit, accompagné des dates 1991-2015. »

 

 

Audio

© Marlène Laberge, 2019